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LA MANATLANTIQUE

LES ILES CANARIES
par Safi, Maroc - 597 miles

Une longue attente avant le grand saut pour l'archipel des Canaries mais la raison et la sécurité sont restées au centre de nos préoccupations tout au long de notre préparation pour notre première grande navigation hauturière. En effet 800 miles à couvrir ça fait un petit bout de chemin mine de rien. Mais c'est confiants et surtout très excités que nous entrons dans l'océan pour la première fois, Addaia et Mana filent à plus de 7nds de moyenne sur une mer simplement belle et agréable et les estimations du GPS sont plus qu'encourageantes et péevoient une arrivée dans 4 jours et demi !! Quelle utopie !!!! Nous nous permettons même un petit envoie de Spi qui nous fera gagner encore un bon nœud et demi mais nous devrons l'affaler bien vite car Addaia est déjà loin derrière car Spi déchiré, donc plus la possibilité de rivaliser et nous avons pris la décision de naviguer en flotte donc on tire le frein à main. On décompte tout de même 142 miles pour ces premières 24 h, ça change des moyennes Méditerranéenne qui n'excedaient jamais 110 miles.

La seconde journée de navigation est assez similaire à la premeière, nous avalons les miles, vent plein cul en route directe sur Lanzarote. En fin d'après midi nous réalisons un séance video que nous appelerons " Sirocco Océan Race  . Les images parlent d'elles mêmes et retransmettent parfaitement la magie de ce moment de mer inoubliable. La nuit tombe vite et Addaia commence à s'éloigner un peu. Cela nous parait logique car pour la nuit sous pilote automatique, il vaut mieux garder ses distances, un accident est si vite arrivé. Nous les regardons s'éloigner doucement tout en admirant le merveilleu spectacle que nous offre ce couché de soleil. Quelques heures plus tard nous tentons de joindre nos amis par radio vhf afin de prendre de leurs nouvelles et nous assurer que tout va bien à bord d'Addaia. La réception est mauvaise alors que nous ne sommes qu'à un mile l'un de l'autre. Ca grésille et puis soudain plus de signal. Quelques instants et puis ça grésille à nouveau, "c'est Addaia pffffff problème vhf ". Il nous parait clair que nos amis ont un problème de radio et nous décidons alors de nous raprocher afin de pouvoir se parler à vue et éventuellement leur prêter une vhf portable. Mais plus on s'approche plus ils s'éloignent, nous trouvons cela bizzare et même inquiétant. Après avoir dévier notre cap de 60 degrés depuis bientôt une heure, nous ne sommes toujours pas à porter d'Addaia et il est clair que lui aussi a bien changé de cap . Pourquoi ? Aurait ils un problème plus grave ? Soudain le ciel devient rouge sur notre babord. Une fusée de détresse, ça doit être Addaia ! Cap sur le point relever. Mais après une demi heure rien n'apparait si ce n'est un bateau de pêcheurs qui passe au loin. Nous avons officiellement perdu Addaia et ce n'est pas pour nous mettre en joie. Que faire de plus ? Danilo envoie des messages sans réponses depuis plus d'une heure, nous avons dévier notre cap à deux reprises en vain, comme un fantôme Addaia a disparu dans la pénombre de la nuit noir.
 

Au réveil le lendemain matin, Addaia est au centre de toutes nos préoccupations et nous tentons un appel sur le canal de sécurité 'Alpha Delta Delta Alpha India Alpha", sa dernière position connu, ainsi que la notre. Aucune réponse. Nous essayons à nouveaux quelques minutes plus tard mais cette tentative se soldera encore par un échec. Au fond, avec le moitessier espagnol qu'est le capitaine d'Addaia nous ne nous en faisons pas pour eux, si ça concerne le bateau et qu'il y a quelconque problème il a du être gérer. Au 4ième jour, le vent est tombé, après des heures sans vent à l'entrée de la baie du port de Safi, ne voulant allumer le moteur qu'en cas d'urgence, nous décidons de faire un stop au Maroc afin de reprendre une méteo.
Safi, ce port où finalement nous ne pouvons accoster à rien d'autre qu'un chalutier, est un port de pêche. C'est donc non loin de l'entrée du port que nous jetons l'ancre et passerons la soirée en compagnie de jeunes français partis pour transater eux aussi.

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Le lendemain matin, c'est tout excité que nous nous apprêtons à débarquer afin de profiter des délices et des merveilles que le Maroc peut nous offrir. Mais à peine le dinghy mis à l'eau nous apercevons le bateau pilote du port qui se dirige dans notre direction. A son bord, un pilote, un technicien et un douanier nous accueillent bien aimablement nous demandant nos papiers afin d'officialiser notre entrée dans le pays. Commence alors une longue attente de presque une heure, le temps que notre jeune douanier remplisse toutes les formalités. Il nous libère enfin après nous avoir remis nos papiers, en nous souhaitant un bon séjour au Maroc. Mais hélas, nous ne poserons pas les pieds à terre, car à peine le bateau pilote se désamarre t-il de Mana, que nous voyons arrivé en furie un autre douanier sur un bateau de pêcheur ridicule. Il nous paraît clair que ses intentions sont de mauvaise augure pour nous, et pour le bateau. Nous prenons alors la décision de lever l'ancre dans la précipitation, car l'homme nous menace tout en nous filmant avec son téléphone portable de sévère sanction si nous n'acceptons pas de nous plier à un autre contrôle. Malgré l'agitation et le stress qui règne à bord, le spi est envoyé avec une rapidité impressionante. Et Mana file maintenant à presque 4 noeuds, poussé par une légère brise de Nord-Est qui nous permettra non sans mal de nous extirper de cette capricieuse baie de Safi. Mais le douanier est tenace et nous suivra sans cesser de nous filmer pendant presque 30 minutes. Heureusement le bateau du pauvre pêcheur qui l'accompagne n'avance pas bien vite et malgré notre vitesse peu soutenue, nous les distançons suffisamment pour les décourager et enfin les voir faire demi-tour. Ouff, la pression redescend enfin à bord mais maheureusement celle du vent aussi, nous nous retrouvons vite dans une pétole qui durera encore 48 heures. La moyenne sur ces deux jours sera inférieur à 1 noeud. Je crois que malgré tout nous apprécions cette pétole. Nous nous laissons porter avec les oiseaux de mer par le courant, tous ensemble nous nous observant d'un oeil curieux en attendant le retour de la brise. Au matin du sixième jour un vent timide se met à souffler du Nord-Est, nous sommes à environ 50miles de la côte du Maroc au Nord d'Agadir, à la lattitude exacte où commence à souffler celui qui deviendra très vite, notre plus fidèle compagnie de voyage, j'ai nommé "l'Alizé". C'est vêtu de sa plus belle garde robe, portant ses deux trinquettes jumelles tangonées ainsi que la grand-voile bâbord amure, que Mana file avec classe à plus de 5 noeuds, profitant au maximum de ce nouveau souffle, qui ne cessera d'augmenter jusqu'à notre arrivée sur l'archipel des Canaries.

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Isla Graciosa sera notre première escale. Nous tombons vite sous le charme de cette île aux allures de western où le temps semble s'être arrêter. Terre arride et volcanique, elle est avant tout d'une douceur profondément apaisante. Après une journée de calme et de repos à s'extasier des lumières et des paysages somptueux que cette île a bien voulu nous offrir, nous décidons de rentrer au bateau qui nous attend sagement, bien amarré au ponton dans la gracieuse marina de l'île. Nous contastons qu'Addaia n'est toujours pas là et nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à nos amis. Espérons que tout ce soit bien passé pour eux, et qu'ils nous rejoindront bientôt. Il est 3h du matin, nous dormons profondément, quand soudain résonne par 3 fois un bruit sourd contre la coque. Nous nous réveillons en sursaut, pour sortir et aller voir ce qu'il se passe. Et quand nous ouvrons le capot, nous tombons nez à nez avec deux visages familiers. C'est Juan et Neus ! Ils ont le sourire jusqu'aux oreilles et nous disent d'un air presque géné "Désolé mais nous n'avons pas pu nous empêcher de venir vous saluer !". C'est avec bonheur et enthousiasme que nous les accueillont en les invitant à entrer boire un café chaud

La Graciosa

La Gomera
 

Après quelques jours de repos bien mérité sur l'île de la Graciosa nous reprenons la mer en direction de Lanzarote pour y rejoindre nos amis Bretons Max et JB, la flotte prend alors un nouveau visage avec maintenant trois bateaux qui naviguent ensemble. Nous accueillons "Walden" devant le port d'Arrecife où nous passerons la nuit  et ferons  la connaissance de Kevin, équipier à son bord. Une belle soirée entre anciens et nouveaux amis  à se raconter nos aventures depuis nos départs de France, Walden de Concarneau et Mana du Lavandou. Et il y  en a des choses à dire,  entre coups de vents, dépressions et records de vitesse, les trois équipages se découvrent et se montrent déjà un respect et une admiration véritable. Chacun avec une vision et une façon de faire bien à lui, a su mener sa barque pour se retrouver tous ensemble aux Canaries, première grande escale de notre périple.

 

 

 


Après quelques jours sur Lanzarote la flotte met le Cap sur Tenerife. 24 heures de navigation musclées où Mana va enfin pouvoir se mesurer au redoutable "Carter 33" réputé l'un des meilleurs bateaux de sa génération. Un poil plus long mais aussi plus lourd que le Sirocco, "Walden"  peine à suivre le rythme sous le vent de l'île et très vite Mana prend les devants. Ce  qui n'est pas vraiment une bonne nouvelle pour la flotte car nous avons prévus de traverser l'océan ensemble  en gardant le contact, mais pour cela il faut que nos bateaux évoluent à la même vitesse,  ce qui n'est pour l'instant pas vraiment le cas. En effet Mana et Addaia filent presque un noeud plus vite que Walden et le contact VHF est trop vite perdu.  Au réveil le lendemain matin, nous naviguons toujours dans une mer puissante, poussés par vents portants pouvant atteindre force 7. Un appel radio et une voix familière nous parvient, c'est "Walden" !! À peine le temps de nous donner nos positions que le contact est de nouveau perdu. Nous sommes à environ 12 miles l'un de l'autre après un peu plus de 12 heures de navigation, ce qui confirme mon estimation  d'un nœud de différence de vitesse entre les deux bateaux. Pour sa première navigation hauturière en solo Juan s'en sort comme un chef, mais la fatigue le gagne et il prend donc la décision de se dérouter sur Gran Canaria afin de se reposer un peu. Il faut dire que les conditions sont vraiment dures depuis le départ, nous trouvons alors cette décision sage, responsable et justifiée. Après réflexion nous décidons de continuer en direction du sud de Tenerife où nous espérons rencontrer des conditions plus clémentes. En fin de journée nous ne sommes plus qu'à quelques miles de la Punta Roja, le vent est redescendu et nous envoyons la voilure complète.  Les guides Imrays incitent pourtant à la plus grande prudence quand au passage des pointes nord et sud de Tenerife qui annoncent des effets venturis puissants. Mais l'envie d'arriver est forte, Mana glisse à plus de 7nds sur une mer devenue belle et c'est donc tout dessus que nous abordons la pointe sud de Tenerife, confiants et fièrs de notre bateau. Il nous a encore prouvé toute sa vaillance dans des conditions pas évidentes avec une mer déferlante. Mana en toute humilité s'est permis un magnifique ballet. Plutôt que de se battre, il a préféré épouser  les vagues de cet océan Atlantique devenue agité et  coléreux attendant patiemment le retour du calme. Calme de courte durée car les premiers effets Venturis ce font déjà ressentir. Des raffales courtes mais déjà puissantes, mais la mer est plate sous le vent de l'île et Mana encaisse sans broncher. 7,8 nœuds au plus près du vent !!!! C'est un record !!!

 

Malheureusement,  notre joie sera, comme le calme, de courte durée. Le GPS après nous avoir gratifié d'un nouveau record, nous annonce  que Puerto San Miguel n'est qu'à 1 mile sur notre avant tribord mais nous ne distinguons encore absolument rien qui s'apparente à un port. La tension monte, le vent aussi et la fatigue n'aidant pas, on s'engueule . "Manon sur le pont pour venir affaler et plus vite que sa !!!"  - "Attends je m'habille et j'arrive!" -  " Bouge toi le cul, ça commence à être chaud là!!!!" - "Oui bah deux secondes,  ok !!!!".  Le foc est affalé, et puis la grand voile. Nous apercevons maintenant une lumière rouge.. Timidement nous nous en approchons. L'entrée du port est réputée dangereuse de nuit, ce qui n'est pas pour nous rassurer et pour couronner le tout la transmission moteur déconne ! Nous renvoyons donc la GV pour nous assurer une sécurité au cas ou nous perdrions l'aide précieuse de notre moteur. Jusqu'à la dernière minute, nous ne pouvons pas apercevoir l'entrée du port et pour la première fois la peur nous envahit en mer. La peur de perdre ce que nous avons de plus cher au monde, notre bateau. La peur de le voir s'échouer sur cette côte hostile qui se dresse devant nous, bordée de cailloux tout aussi dangereux qu'ils sont tout bonnement invisibles la nuit. Non sans peine, on finit par apercevoir l'entrée, alors  on s'y engoufre et rapidement la GV est affalée. Un Marinero vient à notre rencontre et tout en nous faisant de grands gestes nous indique la direction à suivre. Nous sommes maintenant plus près de lui, calmement il nous annonce que le port est saturé mais que nous pouvons nous amarrer à un autre bateau pour attendre que le coup de vent passe. Nous acceptons en le remerciant de son accueil ainsi que de son aide précieuse et très rapidement Mana est amarré a un autre bateau pour le moins atypique. C'est un ferro-ciment de 13 mètres avec des lignes et des allures de bateau pirate.
 

Le lendemain matin nous sommes réveillés par un dialogue pour le moins engagé entre deux marins espagnols qui sont à bord du fameux cailloux flottant. Après avoir bu un bon café, je me décide enfin à sortir la tête et j'aperçois alors les deux marineros qui n'ont manifestement pas l'air d'accord. Après quelques instants l'un d'entre eux m'appercoit à son tour et soudain une lueure d'espoir apparaît sur son visage. Il m'interpelle et me demande si je parle espagnol. Je lui répond que oui je me débrouille et là il regarde son ami et lui dit : " Alors vas-y, demande lui maintenant." Et l'homme dans le doute me demande, "c'est un Sirocco ou un Puma " ? Je comprends alors la raison du litige des deux vieux loups de mer espagnols et lui répond avec un grand sourire,  " Un Sirocco , Mk1 de 1970, mon amour ". Son ami se met alors à l'injurier tout en exultant de joie : " Tu vois je te l'avais bien dit  cabron que tu es, c'est un Sirocco et non un Puma monsieur je sais tout". Bon, il faut dire qu'il n'y a pas grande différence entre les deux modèles hormis la taille et le cockpit. Seul un expert peut reconnaître  au premier coup d'œil les quelques variations comme le mono winch pour le génois du Sirocco ou bien les passes avant plus large sur le Puma. En tout cas si il y a bien une chose sur laquelle les deux hommes sont d'accord, c'est bien sur la beauté des lignes et l'état impeccable qu'affiche Mana après plus de 4000 miles parcourus depuis sa sortie de chantier il y à trois mois environ. J'invite les deux hommes à venir prendre un café qui acceptent bien volontiers. Une fois les présentations faites nous faisons le tour du bateau le temps que la cafetière italienne s'active à faire monter ce délicieux brevage suave et corsé, que nous dégustons tranquillement dans le cockpit avec un bon kalumé. Nos deux compagnons ont pourtant la cinquantaine passée mais ici en Espagne l'herbe se fume à toute heure et aussi à tout âge et c'est très bien  comme ça !!! Une heure passe comme 5 minutes  et nous décidons de visiter le cailloux sur lequel nous sommes amarrés depuis hier soir. Le plan de pont est génial et l'intérieur absolument somptueux, c'est une vraie œuvre d'art. Javier et Guillermo ne sont pas peu fièrs de nous le faire découvrir. Ils en ont la garde et la responsabilité depuis plus de 20 ans et connaissent​ le navire sur le bout des doigts. Mais malgré tout ils restent en admiration devant le petit bateau bleu qui se dresse fièrement sur leur bâbord et nous prenant en amitié, ils décident de nous inviter à manger puis de nous faire visiter la ville et ses alentours. Mais le temps passe vite et nous sommes déjà en milieu d après midi. Je décide alors de trouver une connection Internet afin d'envoyer un message à Walden et Addaia. Quand je me connecte je vois que Walden par l'intermédiaire de Jah B, nous a envoyé un message expliquant qu'ils sont dans un mouillage à moins d'une heure de San Miguel. Nous sommes le 25 décembre et nous préférons passer Noël entre amis plutôt que de de rester Manon, Mana et moi à se regarder dans le blanc des yeux. Alors on largue les amarres en direction de la Caletta ou si tout se passe comme prévu nous devrions trouver Walden au mouillage mais aussi Danilo et Neus sur la plage pour passer Noël tous ensemble.
 

Cela fait maintenant une semaine que nous sommes en escale à Tenerife et les conditions sous le vent de l'île sont catastrophiques, nous changeons sans cesse de mouillage sans jamais trouver une baie sûre qui nous plaise. Nous essayons malgré tout de garder le moral et d'aller jouer de la musique dans la rue afin de nous perfectionner et par la même occasion remplir un peu les caisses de bord. Les recettes ne sont pas aussi importantes que dans le sud la France mais elles suffisent tout de même à couvrir nos frais journaliers, c'est déjà un bon début. Il faudra continuer dans ce sens et continuer à progresser tous ensemble. C'est par la suite au Port de Los Gigantesque que mon ami Steeve vient nous rejoindre et embarque à notre bord avec la ferme intention de transater. C'est un plaisir de se retrouver afin de partager ensemble cette traversée et cela nous rassure. Il est vrai que nous préférons être trois à bord pour pouvoir préserver un peu l'équipage en cas de coup dur, et de plus nous avons observé que la navigation à trois sur des petites unités est souvent plus sympa qu'à deux car moins fatiguante et donc bien plus amusante . Nous sommes sur le point d'appareiller et mettre le cap sur la Gomera qui sera notre dernière escale aux Canaries.

Lanzarote, Arrecife
 

Tenerife
 

La Gomera, c'est ici que nous finirons de nous préparer pour cette seconde partie de la "Manatlantique". Steeve est tout excité de ce départ et je dois dire que depuis son arrivée, il n'a pas chômé à bord endossant pour un temps le rôle de chef cuisinier en plus de son rôle de matelot. Mais cette navigation courte entre Tenerife et la Gomera toujours accompagnés d'une brise soutenue n'aura pas étanché la soif de notre nouveau matelot et en arrivant au port de San Sebastian il voudrait déjà repartir. Mais cela est évidemment impossible car nous avons prévus de rester deux semaines sur l'île afin de finir avec soin notre préparation pour la transat. Nous rencontrons plus de succès avec la musique ce qui nous incite à rester un peu plus longtemps que prévus à la Gomera. Et puis cette île est magnifique, pleines de trésors cachés que nous découvrons au fur et à mesure que nous apprenons à la connaître. Mais je vois bien que Steeve ne partage pas notre enthousiasme, lui il est venu traverser l'Atlantique et pour lui la seule chose qui importe c'est de larguer les amarres. Nous n'avons décaler que de deux semaines notre départ mais cela à vraiment l'air de lui peser. Le doute s'installe dans son esprit et un soir, quelques jours avant le départ, il vient me trouver afin de m'anoncer qu'il n'est plus certain de vouloir traverser. Je lui explique alors qu'il est normal avant une aventure  comme celle ci de se poser ce genre de questions et que c'est justement dans ces moments là que l'homme doit trouver assez de courage en lui pour devenir un aventurier et accéder à toutes les choses merveilleuses que cela implique ou alors se laisser envahir par la peur d'échouer et accéder à toutes les choses malheureuses que cela imcombe.  Mon discours semble lui avoir redonné l'envie et la passion de l'aventure,  mais j'ai comme un préssentiment. J'ai à ce moment, la sensation que Steeve ne viendra pas avec nous. Le lendemain matin Steeve est nerveux il tourne en rond après avoir rempli avec zel toutes les tâches qu'il s'est lui même octroyer depuis son arrivée à bord : un petit déjeuner royal, la vaisselle du soir et puis une demi heure de sport et le voilà qui tourne à nouveau en rond. Mais des choses encore plus importantes occupent mon esprit, en effet une réparation structurelle est à envisager car le roof s'enfonce sur l'avant tribord de l'épontille. Jah b et moi prenons la décision de remédier à ce problème dans la journée. L'idée c'est que ce soit fait vite, bien mais surtout en évitant le plus possible de remplir l'intérieur de poussière et de résine polyester. Alors le ponçage se fera à la main après que Manon ait bâché du mieux qu'elle  puisse tous les endroits suceptible  d'être pollués. Pendant ce temps là Jah b taille la traverse en bois afin qu'elle épouse le mieux possible les formes du roof et moi je prépare les tissus, ainsi que la "choucroute" avec laquelle nous ferons nos joints congés qui serviront à coller la traverse mais aussi à casser les angles et pouvoir stratifier le tout. Si tôt dis, si tôt fait et en à peine quelques heures  la réparation est terminée. Une bonne chose de faite qui nous apporte grande satisfaction et aussi de la sérénité. Il est primordial d'avoir confiance en son bateau et en son équipage, surtout dans notre cas où on part traverser un océan pour la première fois, sur un petit rafiot vieux de presque 50 ans qui était destiné à finir à la casse et malgré tous nos travaux nous savons très bien que Mana nous amènera de l'autre côté de l'Atlantique, mais nous savons aussi que beaucoup de travail nous attend une fois arrivé aux Antilles car une autre préparation commencera alors pour réaliser, qui sait, un tour du monde !

Mais nous n'en sommes pas encore là et à en croire les réflexions de mon ami Steve qui tourne en rond sur le quai, nous ne partirons même pas des Canaries si cela continue comme ça. Cette réaction pour le moins déplacée me fait réaliser deux choses.  La première : nous sommes enfin prêts à prendre la Mer, seul reste à faire les derniers approvisionnements pour la grande traversée et cela nous met en joie.  La seconde : c'est que Steve ne partira pas avec nous et cela nous déçoit un peu car nous nous faisions une  joie de partager cette aventure avec lui et en plus nous comptions vraiment sur lui en tant que matelot. Il ne me l'a pas encore annoncé officiellement mais je sais, je sens qu'il ne sera pas des nôtres.
 La flotte est prête à larguer les amarres et  nous  sommes tous un peu fatigués  alors nous décidons de prendre 3 jours de repos  avant le départ afin de  nous ressourcer et profiter une dernière fois de cet endroit magique qu'est l'île de la Gomera. Cette décision sera l'élément que Steve  attendait pour se trouver une ultime bonne raison de ne pas venir et il m'annonce enfin moins de 3 jours avant le départ qu'il souhaite débarquer et rejoindre l'Amérique du Sud en avion.  Cette fois ci, l'heure n'est plus aux beaux discours rassurants et unificateurs et je laisse partir mon ami d'enfance, le regardant rassembler fébrilement ses  affaires sans même lui dire un mot. Il ne peut s'empêcher de me serrer dans ses bras en s'excusant de sa décision mais il sent bien qu'il m'a déçu et qu'il me faudra du temps pour lui pardonner.  En attendant nous ne sommes plus que deux à bord et cela nous angoisse un peu car nous nous étions préparer à un départ à trois. Nous prenons la décision de ne pas remplacer Steve et de tenter le coup à deux malgré que je ne garde pas un très bon souvenir de mes navigations en duo. En effet je n'apprécie pas vraiment ce mode de fonctionnement, surtout en couple où on ne fait finalement que se croiser sans vraiment passer de moments ensembles. Mais d'un côté je me dis que cela peut nous être positif et nous rendre plus fort de vivre cette aventure tous les deux, l'avenir nous le dira !

  J - 1 , Mana est prêt chargé en eaux et en vivres pour plusieurs mois, on ne devrait pas manquer de grand chose pour la traversée car toutes les courses ont été faite pour 3 personnes alors une chose est sûre, on ne mourra pas de faim ! Un dernier tour à terre  pour  se dégourdir les guibolles et puis ce sera le départ pour le Cap vert. Mais en arrivant au bateau j'ai la même sensation qu'au départ du Lavandou, j'ai l'impression que je n'arriverais pas à sortir du port pour me lancer de ce grand océan. Je tremble et je ne me sens vraiment pas en forme si bien que mes amis de Walden me propose de reporter à demain notre départ. J'accepte bien volontier et en profite pour aller me reposer un peu.
Après quelques heures je me sens déjà beaucoup mieux mais il est maintenant tard pour larguer les amarres alors demain matin sera le bon moment, en tout cas nous l'espérons tous !



 

La Gomera
 

LE CAP VERT
808 miles

Le jour se lève encore sur notre belle planète et cette fois ci, tout le monde est près à en découdre alors sans plus attendre on se serre fort dans les bras,  on se souhaite bonne mer et en un rien de temps nos deux bateaux s'élancent cap plein sud en direction de Ilha do Sal. Très vite on trouve le bon réglage de voiles et déjà Mana commence à s'éloigner de Walden. Nous essayons​ de réduire la voilure mais rien n'y fait, le Carter peine toujours à suivre le rythme imposé par le Sirocc. Le lendemain matin nous avons déjà perdu le contact visuel. Encore quelques heures et c'est le contact radio qui est perdu alors tant pis, on se retrouvera au Cap  Vert dans quelques jours si tout va bien. Une houle de travers nous malmène depuis 24h et le vent toujours soutenu avec des raffales à 30 nds ne nous permet pas vraiment de nous reposer​. Mana avale les miles sans broncher et nous sommes maintenant à mi-parcours entre la Gomera et Ilha do Sal. La fatigue nous gagne et nous prenons la décision de passer la nuit sous voilure réduite avec seul le foc de brise pour nous faire avancer. Notre moyenne journalière en prend un coup et le moral aussi. Il nous reste encore plus de 300 miles à parcourir avant d'arriver alors il va falloir reprendre du poil de la bête. Plus facile à dire qu'à faire mais les choses finissent toujours par s'améliorer de toute façon, ce n'est qu'une question de volonté. Notre courage  se décide à revenir ainsi que l'enthousiasme  d'être en mer car il faut bien l'admettre, c'est un vrai privilège que naviguer en plein océan sur sa propre coquille. Une vraie forme de liberté comme on n'en trouve plus beaucoup sur terre car là,  personne ne peut venir vous faire chier pour quoi que ce soit. Vous êtes sur votre bateau en plein milieu de l'océan , libre de faire ce que bon vous semble et c'est absolument génial comme sensation  ! Nous sommes à environ 24h de l'arrivée et la bonne humeur est revenue, nous sommes  tous deux impatients de découvrir Ilha do Sal.Au petit matin le Cap vert est en vue, on  distingue à travers les couleurs de l'aurore la Punta norte mais il nous est quasiment impossible de voir le rivage, une espèce de brume nous interdit de nous approcher de trop près et le GPS prend comme à chaque arrivée une importance véritable, nous permettant de continuer d'évoluer en toute sérénité. Avec le jour qui se lève, la brume s'atténue jusqu'à disparaître presque complètement et nous entrons dans le mouillage de La Palmeira vers 8h du matin un peu fatigués mais vraiment contents d'être arrivé sans le moindre soucis technique. Encore une fois Mana a assuré grave, nous avons gérer à deux notre navigation sans jamais dépasser notre limite de fatigue avec de belles moyennes journalières a plus de 140 miles. Un constat plutôt positif mais il nous reste encore beaucoup à progresser sur la vie en mer car à bord avec l'espace restreint qu'impose un petit bateau vieux de 47 ans, les activités en navigation sont très limitées. Disons qu'à l'époque les mecs ne partait pas en mer pour enfiler des perles,  alors que nous justement ça nous plaît plutôt bien ce genre de trucs comme jouer de la musique, faire de la couture ou même une bonne bouffe. Tout cela relève un peu du défi sur notre petit bateau mais nous savons que c'est possible et nous progressons tous les jours dans ce sens.

Ilha Do Sal

Nous tombons sous le charme du cap vert où règne une ambiance douce et chaleureuse malgré la pauvreté omniprésente, aucune jalousie ne se fait ressentir. Les gens sont super accueillants et serviables, et c'est avec enthousiasme que nous partons à leur rencontre.
 Après un petit tour  dans le village de Palmeira, nous décidons de sortir des sentiers battus pour continuer notre ballade en toute tranquillité. Nous longeons le bord de mer pendant un bon moment quand soudain nous apparaît un oasis . On s'approche et on s'y engouffre tant bien que mal car des arbres nous barrent la route. Après quelques minutes à se débattre on arrive enfin sur un chemin. Manon est heureuse de ce moment privilégié tous les deux en pleine nature et me dit sans trop savoir pourquoi  " Ce serait trop bien de voir des animaux ". Quand soudain, on entend un cri animalier. Pour Manon pas de doute, c'est un âne. Moi je suis plus réservé dans mon pronostic n'ayant pas vraiment entendu  la chose.

On continue un peu sur le sentier et après quelques instants : "hi-han hi-han hi-han". Cette fois ci, plus de doute c'est un "bourricot". Manon est aux anges, elle saute de joie. Quelques mètres plus loin nous apparaît une ferme. Une vision extraordinaire en plein désert où nous sommes accueillis par un Rastafari  du nom de Juan Batista. L'homme est musclé et imposant mais il se dégage du personnage une grande sagesse et beaucoup d'amour. Si bien  qu' après avoir demandé au  papy de 92 ans qui l'accompagne la permission, il nous invite à faire le tour de l'exploitation  nous expliquant chaque plante avec détail et passion. Manon en oublierai presque la raison de notre venue tellement l'endroit est magnifique . Et puis arrive enfin le moment où on tombe nez à nez avec une famille d'ânes. Le père , la mère et leur petit sont tous trois entrain de manger le foin méticuleusement coupé par Juan Batista. Après un court instant passé avec eux, l'ancien nous invite à boire un rafraichissement . Nous acceptons mais ne voulant pas abuser de leur générosité nous laissons  assez vite les deux hommes à leurs occupations  en leur promettant de repasser bientôt les visiter . Un moment rempli d'émotion et  une belle leçon de vie . Voir que ces hommes avec presque rien dans un milieu désertique, ont pu réaliser des merveilles d'agricultures en créant la vie, nous rempli d'espoir et de courage pour la suite du voyage. C'est tout émus, en compagnie de Juan Batista que nous reprenons le sentier qui va nous mener jusqu'à ​la sortie de l'oasis. Le retour est plus simple car notre nouveau guide connait parfaitement son petit coin de paradis. Il nous explique qu'il est ici depuis deux ans et qu'il est très content de vivre là en autonomie totale,  sans la moindre dépendance à  "Babylon".  Pas de téléphone, ni de voiture et bien  évidemment aucunes courses dans les supermarchés​. L'électricité est produite par des panneaux solaires qui est une des rares choses qu'ils aient acheté en magasin sinon presque tous les outils sont fabriqués sur place ou bien récupérés puis remis en état à la ferme. Nous sommes maintenant sortis de l'oasis et il est temps de quitter notre nouvel ami qu'on espère revoir très vite . Sur le chemin du retour Juan Batista est au centre de notre discussion et nous sommes impatients de raconter tout cela à nos amis de Walden qui devrait arriver dans peu de temps. Encore quelques minutes de marche et nous pouvons à nouveau apercevoir notre beaux bateau qui nous attend sagement au mouillage. Walden est là aussi juste à côté de Mana alors on se presse d'aller retrouver nos amis. Nous sommes tous très heureux d'être à nouveau réunis alors pour fêter tout ça, un bon apéro s'impose.

Sao Nicolau, Tarrafal

Sao Vicente, Mindello

La suite est en cours d'écriture...

Merci de votre compréhension.
A très bientôt.

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